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  • Photo du rédacteurYokatsuki

Chapitre 3 : Echo

Dernière mise à jour : 24 nov. 2019

J’ai réussi à éviter les questions de Melyan. Je n’ai pas eu à lui expliquer. Je ne pense pas qu’il ait oublié, mais il ne m’a posé aucune question. Pendant des mois. Longtemps. Trop longtemps. Jusqu’à la fin de notre année de cinquième. Pendant cette année, Mafuyu et Adam se sont beaucoup rapprochés et Lola a changé de cible, se concentrant sur Lélio. Ces deux filles sont irrécupérables. Pendant les vacances d’été, on s’est souvent retrouvés chez Lélio ou Sélène. Je me suis beaucoup amusée. Evidemment, la joie et la bonne humeur n’ont duré que deux mois.

L’année de quatrième commence mal. Très mal. Trop mal. Je me retrouve avec les mêmes personnes que l’an dernier. Des personnes qui ne m’apprécient pas. Surtout les filles. Mais bon, j’avoue que je suis plutôt rassurée de voir que Melyan, lui, est dans ma classe. Je devrais même dire que je suis ravie. Pendant les vacances, j’ai passé beaucoup de temps avec lui. Heureusement que Lola n’est plus sur lui, sinon elle m’aurait étripée !


Je m’assois à côté du garçon pour presque tous les cours, puisque certains profs choisissent eux-mêmes les places des élèves. Il a l’air content, lui aussi. Il a grandi, surtout. Il fait un mètre soixante neuf alors que je fais un mètre soixante. Je me sens petite, maintenant. Et puis… Je suis tombée sur des photos de la sixième, il y a quelques jours. Il a changé. Il est devenu vraiment, vraiment, vraiment beau. Beaucoup trop.

Oui, je suis un peu amoureuse. Mais j’ai treize ans, c’est qu’un amour de jeunesse et je le sais. Mais bon, quand même… Il est beau. J’aime bien l’embêter en lui disant le contraire, ce qui semble pas mal l’énerver quand ça vient de moi.

C’est si stupide, ce sentiment amoureux. Pourquoi est-ce qu’on devrait forcément le ressentir un jour ? Ces histoires finissent toujours mal, contrairement à ce qui est raconté dans les livres.


« -Ma p’tite Yoka, t’as pas une colle ? demande-t-il le deuxième jour de cours.

-Tu vas pas me dire que la tienne est vide, quand même ?

-Si ! Ils nous donnent des tonnes de papiers à coller, le premier jour, en même temps ! Alors, t’as une colle ?

-Tiens.

-… Elle est vide.

-Ah ? Mince… Bon, bah j’en ai pas.

-Yoka ?

-Oui ?

-T’es inutile.

-Merci. »


Il y a autre chose que j’adore. Trouver des jeux de mots avec son prénom. Melyananas, Melyanimal, Melyanihiler… Il y a de tout ! C’est vraiment marrant. Oui, je suis une gamine. Oui, je l’assume. C’est drôle, en même temps ! Non… ? Bon bah moi je trouve ça marrant. J’aurais pas un peu changé de mentalité, moi, en deux ans ?


« -Melyan, pourquoi tu parles avec l’asociale ? demande la voisine de devant de Melyan.

-Parce que c’est mon amie.

-En vrai, tu as juste pitié d’elle, pas vrai ? demande le garçon à gauche de Melyan.

-Bah… Non.

-Non ? Mais tu sais qu’elle a…

-Un peu de silence, s’il vous plait ! dit le prof, gêné dans son cours. »


Génial. Maintenant, Melyan va découvrir qu’en réalité je suis détestée par la plupart des gens du collège. Je ne pense pas qu’il les écoute et finisse par me détester aussi, mais j’avoue que j’ai quand même un peu peur de ce qu’ils pourraient lui raconter. Je ne voudrais pas qu’il perde confiance en moi.

A la fin de la journée, je fais le trajet du retour avec cette tête de poney, comme d’habitude. Comme tous les jours depuis deux ans. Et ça me plait beaucoup.


« -Tu comptes ne jamais masquer cette cicatrice au sourcil ? demande Melyan tandis que nous marchons.

-Je n’en vois pas l’utilité. Et puis… Ca donne un style, non ?

-Ouais… On dirait que tu t’es battue. C’est pas un super style. Je n’aimerais pas te voir te faire frapper par quelqu’un, moi. Quand je la vois, j’imagine les nombreuses façons dont tu aurais pu te la faire.

-… Melyan.

-Et franchement ça a le don de m’énerver. Et tu sais combien je m’énerve vite.

-Dis…

-C’est comme ta jambe, l’an dernier. Ou ce bleu, en bas de ton dos. Et cette autre cicatrice sur ton bras gauche. Ou encore…

-J’ai compris. Arrête.

-Yoka… Tu m’expliqueras, un jour ?

-Je te le promets.

-Et… Je voulais te dire…

-Demain, d’accord ? dis-je en passant le portail de chez moi.

-… D’accord. A demain, ma p’tite Yoka. »


Ce soir-là, mon père a refait quelque chose qu’il n’avait pas fait depuis longtemps. Il m’a pris par les cheveux, m’a emmenée jusqu’à la cuisine et a pris un couteau avec lequel il a délicatement caressé ma peau. Sur mon ventre, puis mon bras… Je ne sais pas pourquoi il fait ça. Je ne me pose plus de questions. Et puis, il prend une mèche de cheveux et la coupe, sans aucune pitié. Mes beaux cheveux à moitié violets. La seule chose à laquelle je tienne sur tout mon corps. Je veux que ça s’arrête. Je veux… Je veux que tout cela s’arrête… Que quelqu’un me réconforte… Je… J’en peux plus. J’aimerais qu’il n’y ait pas de lendemain, plus de douleur…


Que tout cela cesse.


« -Si tu oses aller te soigner, je te frappe jusqu’au sang. »


C’est déjà fait.

Lorsque mon père me laisse là, couchée sur le sol de la cuisine, des mèches en moins et deux coupures, une sur le ventre et une autre sur l’épaule, je ne peux retenir mes larmes. J’ai mal, physiquement et psychologiquement…

Je veux mourir. J’ai besoin de mourir. Et je veux entendre une voix réconfortante.

Je me relève, regarde la mèche de cheveux au sol puis pars dans ma chambre. J’ai mal. Très mal. Mais je dois… Trouver mon téléphone. Dans mon manteau. Il est sur mon lit. Je sors mon portable d’une poche de mon manteau et cherche Melyan dans mon répertoire. Une fois trouvé, je l’appelle directement.


« -Yokatsuki ? C’est rare que tu appelles sans prévenir…

-…

-Yoka… ?

-…

-Yoka, tu vas bien ?

-...

-Yoka !

-Je voulais entendre ta voix… murmurais-je d’une voix tremblante.

-Qu’est-ce qu’il se passe ?

-… Je… Je voulais juste… Entendre ta voix…

-Tu es en train de pleurer… ?

-Parle-moi…

-Bien sûr, ma p’tite Yoka. De quoi veux-tu que je te parle ?

-N’importe quoi… Qui ne fasse pas mal.

-Hum… Tu te souviens de notre rencontre ?

-Oui… Je crois.

-On trouvait pas les toilettes des filles, c’était assez comique. Heureusement que Mafuyu t’a aidée ! Tu as aussi rencontré Adam, ce jour-là.

-Tu faisais ma taille…

-Non ! J’étais un peu plus grand !

-N’importe quoi, idiot, dis-je en essuyant mes larmes, un sourire aux lèvres.

-Si !

-Dis… Tu voulais me dire quoi, tout à l’heure ? demandais-je en essayant de contrôler ma voix.

-Oh, rien d’important. Je te le dirai demain.

-Si tu veux…

-Yoka ?

-Oui ?

-Je tiens beaucoup à toi. N’hésite pas à m’appeler quand tu vas mal. Même si c’est parce que tu t’es cogné l’orteil au coin de ton lit.

-De… D’accord. Et merci.

-Je dois te laisser, pardonne-moi.

-Tu es déjà vraiment génial d’avoir décroché…

-A demain, ma p’tite Yoka.

-A demain. »


Ce soir là, je ne vais pas manger avec mes parents. Ma mère vient quand même pour me proposer, mais je refuse gentiment. Elle ne m’a rien fait depuis longtemps. Parfois, je me redis que mon père la forçait. Mais je n’y pense pas trop. J’essaie d’oublier. J’essaie de ne plus penser à ma vie familiale, ne plus penser aux problèmes. Je m’efforce de penser à autre chose comme mes amis, Mafuyu, Lola, Adam, Lélio, Sélène… Et Melyan. Sa voix, grave mais douce, a le don de me calmer. Je suis clairement amoureuse… J’y crois pas, je suis tombée assez bas pour aimer un idiot fini. Peut-être parce qu’il s’inquiète pour moi ? C’est idiot, mais c’est sûrement ça…


Ce soir là, je m’endors en souriant, les larmes aux yeux, pensant à demain.

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