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  • Photo du rédacteurYokatsuki

Chapitre 4 : Morphine

Dernière mise à jour : 24 nov. 2019

Et le lendemain, je passe l’une des pires journées de ma vie.


Tout commence en cours de sport. Les filles me mènent la vie dure en essayant de me faire tomber. Pour elles, c’est un jeu. Celle qui me fait tomber gagne un point ou je ne sais quoi. Après ça vient le pire. Dans les vestiaires, je vais me doucher tranquillement quand personne d’autre n’y est afin que l’on ne voie pas mes blessures et quand je reviens, il n’y a qu’une chaussette sur le banc. Je l’enfile en gardant ma serviette bien sur moi. Elles m’énervent. Où est mon sac ?


« -Au fait ! Si tu cherches tes affaires, elles sont dans les vestiaires des mecs ! dit une fille.

-Bonne chance, pauvre pute ! »


Merci pour le surnom ?


Alors j’attends. Le prof va finir par se rendre compte qu’il reste quelqu’un dans les vestiaires. Après un moment, quand toutes les filles sont sorties, quelqu’un frappe à la porte. Melyan. Il m’a sûrement attendue, comme d’habitude.


« -Yoka ?

-Je suis là…

-Bordel, bouge, on se les gèle !

-Melyan…

-Yoka ? Tu es en train de pleurer ?

-Mon sac est dans les vestiaires des mecs.

-… »


Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvre et Melyan entre dans la pièce. Il me regarde comme s’il allait commettre un meurtre et s’approche de moi. Je suis mal à l’aise. Je n’ai qu’une serviette blanche autour de moi. Je n’ose pas bouger et le garçon se met à genou, me prenant dans ses bras. Je sursaute en sentant ses mains brûlantes dans mon dos et tourne la tête pour fixer le mur.


« -Yoka, elles vont pas s’en sortir indemnes cette fois.

-Elles vont payer… dis-je d’une voix tremblante tandis que des larmes dévalent mes joues.

-Je vais leur faire payer ce qu’elles ont fait. Mais Yoka…

-Laisse-moi me changer…

-Dis-moi pourquoi tu as une coupure sur l’épaule. Yoka, il se passe quelque chose, je le sais. Parle-moi.

-… Juste le temps de me changer. »


Melyan sort des vestiaires et je me change rapidement avant de le rejoindre dehors. Il ferme à clef en m’expliquant que le prof était pressé et qu’il doit donc passer par la salle des profs pour rendre les clefs. Nous allons poser nos sacs de sport pendant que tout le monde est déjà en cours et mon ami commence à me poser des questions. Les questions auxquelles je ne veux pas répondre. Des questions auxquelles je vais répondre.


« -Donc maintenant, dis-moi.

-Je me fais frapper.

-… Par qui ?

-Mon père.

-… Depuis…

-Toujours.

-Mais…

-C’est violent. Hier soir, il a utilisé un couteau, dis-je en sortant la mèche coupée que j’avais cachée grâce à une barrette.

-C’est pour ça que tu pleurais.

-J’en peux plus. J’en peux plus. Je… Je craque. J’en peux plus.

-Yoka, calme-toi. On va en parler, d’accord ? On va le dénoncer, et…

-Non, non ! Il va… Il se vengera… Je veux pas. Je veux pas. Je…

-Yoka, regarde-moi, dit Melyan en s’arrêtant de marcher dans un couloir.

-… Mel, je veux pas…

-Yoka.

-… J’ai peur… Je veux pas… Je veux pas mourir… J’ai peur. Alors je t’ai appelé, hier soir, pour… Entendre ta voix. Me rassurer.

-Yoka, écoute-moi.

-Je veux pas mourir… Melyan, je veux pas mourir !

-Yoka, je t’aime. »


Je m’arrête directement de parler, choquée. Il a dit quoi ? Attends… Il a dit quoi ?


« -Dieu merci, tu t’es calmée. Tu faisais une crise de panique, et j’aime pas les crises de panique.

-T’as dit quoi ?

-Rien ?

-Oh bordel frappe-moi je rêve.

-C’est pas le moment de plaisanter à propos de ça, Yokatsuki.

-Melyan ?

-Oui ?

-Je t’aime aussi.

-… Change pas de sujet ! dit-il en rougissant légèrement.

-Tu m’aimes. Tu m’aimes ? Tu… Tu m’aimes… ?

-Yoka… Faut aller chez la CPE pour un billet de retard. »


Après un passage chez la CPE à expliquer pourquoi on est en retard, je me retrouve à nouveau en cours. Dernière heure de cours. Et c’est la fin de l’heure. Les filles sont mortes de rire. Melyan, lui, n’arrête pas de détourner le regard quand je l’observe.

La CPE n’a rien dit et c’est ça qui m’agace le plus. Le fait qu’on planque mon sac est donc tout à fait normal pour eux ?

A la fin des cours, nous partons vite du collège sans même dire au-revoir à nos amis. Melyan veut qu’on parle de ma situation. Je lui explique plus en détails ce qu’il se passe et, au fur et à mesure, je vois ses phalanges devenir blanches alors que ses poings se serrent sous la colère.


« -Yoka...

-Mel ?

-Ne rentre pas chez toi.

-Si, Melyan.

-Non. Je refuse. Ne vas pas te faire frapper. C’est de la maltraitance ! C’est grave ! Je tiens à toi, je te l’ai dit ! Je t’aime ! Ne… Ne vas pas détruire ta vie… S’il te plait.

-Je vais déjà mieux rien qu’en sachant que tu es là pour moi.

-Yoka…

-Eh, si je t’aime et que tu m’aimes… On…

-Regarde-moi. »


Je tourne la tête vers Melyan, curieuse, et le garçon se penche vers moi pour poser ses lèvres sur mon front. Oh mon dieu.


« -Yokatsuki, je t’aime. Vraiment. Je tiens à toi. Alors je te le demande. Veux-tu être ma petite amie ?

-Je… Je… Je... Mais… Evidemment ! »


Melyan se baisse un peu plus qu’avant pour poser ses lèvres sur ma joue et je détourne le regard, gênée. Pourquoi j’ai cette impression qu’il m’apprécie depuis longtemps et qu’il a jamais réussi à me le dire donc maintenant il est tout excité ? Parce que c’est le cas, peut-être. En fait je suis devin, c’est mon super pouvoir. Lorsque je m’écarte légèrement de lui, cet idiot passe ses bras autour de ma taille et se penche pour m’embrasser. Je tourne légèrement la tête et ses lèvres se posent au coin des miennes dans un geste doux et… Pas désagréable.

Il me serre si fort que j’ai l’impression qu’il ne me lâchera plus. Sauf que… Ses mains sont posées sur un bleu. J’ai mal. Genre beaucoup. J’essaie de m’écarter à nouveau de lui et cette fois il se laisse faire, me regardant droit dans les yeux.


« -Tu es brûlante, Yokatsuki. Beaucoup trop. Tu es sûre d’aller bien… ?

-Tu me fais mal… dis-je en posant mes mains sur ses bras.

-Pardon.

-Eh…

-Oui ?

-Tu me redis que tu m’aimes ?

-… Je disais donc, j’ai l’impression que tu as de la fièvre, continue Melyan en rougissant légèrement.

-J’ai chaud parce que tu viens d’essayer de m’embrasser et qu’ensuite tu m’as serrée contre toi. Sans mon consentement.

-C’est un viol ?

-Idiot.

-Je t’aime, Yoka. »


Le garçon pose sa main sur ma tête en souriant bêtement, comme à son habitude. C’est peut-être de ce sourire dont je suis tombée amoureuse. Et… Peut-être sa gentillesse. Un peu. Il est mignon. Trop mignon. On dirait un enfant.

En fait, notre relation ne va peut-être pas tant changer que ça. On va être plus tactiles, mais c’est tout… Puisqu’on était déjà vraiment proches.

Malheureusement, je dois quitter cet enfant. Le laisser pour rejoindre ma famille chez moi. Nous nous remettons en marche, tranquillement, mais Melyan ne me lâche plus la main. Une fois devant le portail de chez moi, il me regarde de nouveau droit dans les yeux et son regard montre qu’il est vraiment sérieux. Trop sérieux.


« -Tu veux vraiment rentrer chez toi ?

-Oui.

-… Tu sais que tu es très belle ?

-Je… J’ai pas… Merci ?

-Tu seras magnifique, lorsque ces blessures auront disparu.

-… T’es un ange, toi. Par contre je déteste les compliments.

-Je… Tu es mon ange, ma belle, dit-il en posant un baiser sur mon front avant de partir presque à reculons. »


Son visage est rouge, c’est adorable… Et puis il a peur pour moi, ça aussi c’est adorable. Mais j’ai l’habitude d’être frappée. En plus c’est la dernière fois, puisque demain on ira dénoncer mon père. Enfin bref. Je rentre chez moi, dans ma maison, et découvre que mon géniteur est de mauvaise humeur. Un regard noir et une bousculade plus tard, je suis enfermée dans ma chambre, prête à appeler Melyan. Le truc, c’est que mon téléphone vibre et c’est cet idiot qui m’appelle. Je décroche et un silence s’installe. Un silence assez gênant.


« -Je… Voulais être sûr que tu ailles bien.

-Oh… A vrai dire… Je…

-Il t’a frappée ?

-…

-Je vais le tuer.

-Ne t’en fais pas, tout sera fini demain.

-Yoka…

-Tout sera fini demain…

-Ta voix tremble. Tu…

-Je vais bien. J’ai l’habitude.

-Non ! T’as pas le droit de dire ça !

-Mel, tout va bien ? dit une voix de femme assez lointaine.

-Oui m’man ! Désolé, je parle avec Yoka.

-Oh, la petite avec qui tu vas en cours ?

-Je suis pas petite ! m’exclamais-je, vexée.

-Oui, la petite, toute petite, avec qui je vais en cours. La toute petite minuscule fille qui, depuis aujourd’hui, est ma petite amie.

-… Oh non, trop mignon ! Tu me la présenteras !

-Oui m’man. Laisse-nous, d’accord ?

-Je suis pas petite !

-Tu sais que je t’aime ? »


Là, je me tais complètement. Mon cœur a bondi. Il vient de… Me dire que… Qu’il m’aime… Oh mon cœur… Je meurs. Par le prophète de la Sainte Pelle, je me meurs. Même si son ton était moqueur, ça me fait beaucoup d’effet…


« -Yoka ?

-Melyan ?

-Yoka ?

-Melyan ?

-Melyan ?

-Yok… Oh mais t’es con !

-Ha ha ha ! Je savais pas que ça fonctionnait vraiment !

-Mais moi aussi je t’aime, Mel.

-… Oh.

-Ah ?

-Je viens de virer au rouge… Ha ha…

-Oh… J’aurais aimé voir ça !

-Yoka…

-Oui ?

-Je t’aime.

-On se le dit beaucoup, non ?

-Mmh. Je veux te serrer dans mes bras.

-Moi aussi…

-J’ai envie de t’embrasser. »


Je ris, les joues rouges, me détendant un peu. Je crois entendre Mel soupirer, comme s’il était rassuré, mais n’y prête pas attention. J’imagine que c’est normal qu’il s’inquiète pour moi. Après tout, je ne suis pas en sécurité dans ma propre maison. Mais… De toute façon, je ne sais pas ce que c’est que d’être en sécurité quelque part. J’ai toujours vécu comme ça, avec mon père qui me frappe, donc… Je ne sais pas. J’aurais bien aimé… Savoir. Être heureuse dès mon enfance…

C’est là que des larmes me montent aux yeux. Je me retiens au maximum de pleurer, quitte à ne plus parler et me mordre les doigts, mais Mel le remarque tout de même et sa voix se fait très douce et rassurante.


« -Hey, ma belle… Tout va bien…

-Mais… Je…

-Chut… Ne dis rien, ne pense rien. Oublie tout. Ecoute seulement ma voix, juste moi. Je suis là, avec toi.

-T’es pas vraiment là…

-Si, je suis là. Je te serre dans mes bras, tendrement pour ne pas réveiller la douleur d’une de tes blessures… Je suis là. Ne pleure pas.

-… Est-ce… Est-ce que demain…

-Ne pense pas à demain. Demain n’existe pas. Il n’y a que nous.

-Mel… murmurais-je tandis que des larmes perlent sur mes joues.

-Ne… Pleure pas… dit le garçon en perdant sa voix au milieu de sa phrase.

-… Melyan… ?

-… Excuse-moi… Je te dis de ne pas pleurer, et… Pardon, Yokatsuki. Je… J’ai envie de sortir de chez moi, traverser la rue et te rejoindre, quitte à passer par la fenêtre… J’ai envie de cogner ton père, te prends dans mes bras, t’emmener loin d’ici…

-… Viens…

-Je peux pas… C’est juste impossible… Mais demain…

-Melly, fais doucement, je vais me coucher ! dit la mère du brun.

-Oui, m’man !

-… Melyan… Bien… entendis-je à peine.

-Oui, je vais bien, t’en fais pas.

-… Sûr… Ki ?

-M’man, je peux pas te… Je peux pas t’en parler. Désolé. Mais… On va bien. T’en fais pas.

-Melyan… murmurais-je en baissant la tête.

-Désolé, Yokatsuki… Ma mère insiste pour te parler…

-Oh… Je veux bien…

-T’es sûre ?

-Oui… »


J’inspire longuement pendant que mon petit ami, car c’est maintenant le cas et non je ne cesserai jamais de le répéter avec fierté, parle avec sa mère. Je n’écoute pas vraiment ce qu’il lui dit, ayant entendu du bruit dans le couloir. Je tends l’oreille et perçois des bruits de pas. Mon père va se coucher. Ma mère le suit de loin. Une fois que le silence a envahi ma maison, je me donne la permission de parler à voix basse. Je m’excuse d’abord auprès de madame Rivey de parler avec son fils à une heure aussi tardive et m’excuse également de ne pouvoir élever la voix. Compréhensive, elle engage simplement la conversation.


« -J’ai bien compris que tu avais des problèmes, grâce à mon petit Melly qui s’inquiète et me parle de toi tout le temps.

-Oh…

-Maman ! s’exclame le garçon, un peu plus loin.

-Il ne m’a pas dit ce qu’il t’arrivait, mais je pense avoir deviné que c’est en rapport avec ta famille. Si… Si tu as le moindre problème, et si jamais il est grave, surtout, viens chez nous.

-Je ne veux pas vous déranger, murmurais-je en me couchant entièrement sur mon lit.

-Ce n’est pas la question, jeune fille. De ce que j’ai compris, vous comptez mettre fin à tes problèmes demain ?

-En fait tu nous espionnes, soupire Mel.

-Tout sera réglé demain, confirmais-je en fermant les yeux.

-Puis-je savoir ce qu’il se passe ? Je m’inquiète pour Melyan, tout de même. C’est mon fils et il semble mêlé à une histoire grave… Au point qu’il veuille frapper ton père. Ou ton frère, je n’ai pas bien entendu.

-Elle nous a espionnés ! s’exclame Melyan, désespéré.

-Je me fais battre par mon père, murmurais-je en un souffle pour être la plus discrète possible.

-… Tu es sérieuse ?

-Oui.

-Depuis quand ?

-Toujours.

-… C’est une blague… ?

-Non.

-Non, maman. Elle a des marques sur son corps… Tu sais, quand je te disais que j’avais une amie qui revenait avec toujours plus de cicatrices parce qu’elle était maladroite… Bah c’est elle, mais elle est pas maladroite, explique Melyan.

-… Je veux que demain, dès que tu te réveilles, tu t’habilles et viennes chez nous.

-Mais mada…

-Pas de mais, jeune fille. Je t’interdis de me désobéir. Si ce n’est pas une blague, c’est très grave et je pense que vous le savez. Bien, je te rends ta chérie. »


Je rougis à l’entente de ce surnom et tourne la tête pour regarder la lune par la fenêtre. La mère de Mel est si gentille… Bien qu’autoritaire, elle le fait pour mon bien… Elle me rappelle un peu Melyan, en un sens. Dur mais attentionné.

Et pendant que je réfléchis à tout cela, la voix de Melyan vient me bercer en répétant qu’il vaut mieux ne pas désobéir à sa mère. J’ai mal au dos. Très mal. En bas du dos. C’est pas une douleur due à une cicatrice…


« -Yoka ?

-…

-Tu m’entends ?

-…

-Tout va bien ?

-… Je… Pardon, je m’endors…

-On devrait raccrocher, ma belle.

-Je t’aime, Melyan.

-Je t’aime aussi, Yokatsuki. Bonne nuit.

-… Bonne nuit. »


Et je raccroche. Je pose mon téléphone loin de moi et me roule dans ma couverture avant de fermer les yeux pour ne plus penser qu’à demain. Demain. La fin du calvaire. Du moins… Je l’espère.

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